vendredi 23 avril 2010

Le test

Plus qu'une compétition entre deux projets de salle de spectacle, il faut voir la consultation populaire qui se tiendra le 6 juin à Saguenay comme un sérieux test pour notre collectivité.

D'abord un test de crédibilité pour le maire Jean Tremblay. Dès 2005, il a perverti le débat en imposant une approche étroitement financière à un dossier culturel majeur. Depuis, il a utilisé des tactiques mesquines pour discréditer les partisans d'une nouvelle salle de spectacle, et pire, il a commandé des études pour le moins douteuses et controversées pour imposer son point de vue et manipuler l'opinion publique. Un triste spectacle indigne de sa fonction. Il doit se ressaisir, délaisser son attitude négative et s'assurer de la qualité du débat, ...ou se retirer silencieusement dans la neutralité.

Un test également pour les conseillers municipaux; ceux de l'arrondissement Chicoutimi, englués dans une impotence démocratique qui dessert leur milieu ; ceux de l'arrondissement de Jonquière et de La Baie, dont on attend toujours la démonstration qu'ils peuvent s'élever au-dessus de leurs lobbies locaux et reconnaître le leadership économique et culturel du principal arrondissement de la ville. Le nom de la ville, Saguenay, ne doit pas être le refuge au déni de l'évidence, à savoir que le centre névralgique de la ville demeure chicoutimien. Nier ses forces, c'est s'affaiblir.

Un test de lucidité pour les autres diffuseurs que sont les gestionnaires du Théâtre du Palais municipal, du Théâtre Palace, de la salle Pierrette-Gaudreault et de la salle François Brassard. Depuis une quinzaine d'années, toutes les études ont démontré la nécessité d'une nouvelle salle de spectacle d'au moins 1000 places dans le centre-ville, dotée des infrastructures et des équipements à la hauteur des exigences du milieu. Plusieurs villes du Québec ont investi dans des salles multifonctionnelles de calibre professionnel et dans tous les cas l'effet d'entraînement sur l'activité culturelle et le développement urbain est au rendez-vous.

Un test de vision tout autant pour nos leaders économiques et institutionnels qui doivent avoir le courage d'intervenir plus fermement et dépasser la crainte de voir leurs intérêts particuliers récupérés par les jeux de coulisses de la petite politique. Faut-il leur rappeler qu'à l'heure de la mondialisation, les villes et les régions qui se développent sont celles qui accueillent et retiennent des personnes qualifiées qui sont attirées par la qualité de vie urbaine, dont la culture demeure un élément essentiel. À cet égard, les $26 millions qui seraient investis dans le complexe culturel seraient durablement plus rentables pour le milieu et les citoyens que les $45 millions dépensés pour attirer à La Baie une douzaine de fois par année des étrangers ayant grassement payé un tout inclus sur un palais flottant.

Un test de maturité finalement pour une partie de la population saguenéenne, encore trop vulnérable aux accents d'un discours passéiste et encore trop imprégnée des relents d'un conservatisme culturel. Dans une région où le renouvellement de la main d'oeuvre est prioritaire en raison du vieillissement accélérée, le rajeunissement de la population active est une condition sine qua non pour y parvenir. Les nouvelles générations sont éduquées, voyagent beaucoup, sont ouvertes sur le monde et ont accès, grâce aux nouveaux médias et aux réseaux sociaux, à la richesse et à la variété de la production culturelle. Si leur milieu de vie ne leur offre pas l'opportunité d'entrer en contact direct avec cet univers et d'avoir le sentiment d'en faire partie, il iront là où il se trouve. Ailleurs.

Espérons que le débat sur la salle de spectacle ne leur en donnera pas une raison supplémentaire.